Le Zen, ici et maintenant
"Ici et maintenant" est une notion clé ; l'important est le présent. La plupart d'entre nous avons tendance à penser anxieusement au passé ou à l'avenir, au lieu d'être complètement attentifs à nos actes, paroles et pensées du moment. Il convient d'être complètement présent dans chaque geste : se concentrer ici et maintenant, tel est l'esprit du Zen. Tout aussi essentielle est la formule "s'asseoir simplement" (shikantaza), "gratuitement, sans but ni esprit de profit" (mushotoku).
Maître Dogen disait :
"Apprendre le Zen, c'est nous trouver.
Nous trouver, c'est nous oublier.
Nous oublier, c'est trouver la nature de Bouddha,
Notre nature originelle."

Retour à l'origine. Nous comprendre nous-mêmes, nous connaître profondément, trouver notre vrai moi.
Là se trouve l'essence éternelle de toutes les religions et de toutes les philosophies, la source de la sagesse, l'eau vive qui sourt de la pratique quotidienne de "zazen".
Nature de bouddha signifie : la condition la plus normale qui puisse être, celle naturelle, originelle, de notre esprit. Plus nous approchons de cet état normal de conscience, de cet esprit pur, plus nous pouvons créer autour de nous une ambiance rayonnante, fécondante, bienfaisante. Plus nous nous en éloignons, plus nous devenons la proie du milieu.
Si nous ouvrons les mains, nous pouvons recevoir toutes les choses. Si nous sommes vides, nous pouvons contenir l'univers entier.
Vide est la condition de l'esprit qui ne s'attache à aucune chose.
Maître Sekito, célèbre maître Chinois, a écrit :
"Même si le lieu de méditation est exigu,
il renferme l'univers.
Même si notre esprit est petit,
Il contient l'illimité..."

Le Zen est au-delà de toutes les contradictions. Il les inclut et les dépasse. Thèse, anti-thèse, synthèse et au-delà. Quand les maîtres Zen répondent aux questions de leurs disciples par une énigme qui ressemble à une blague absurde, il ne s'agit pas d'une plaisanterie. Le maître s'efforce toujours d'amener l'élève à aller au-delà de la pensée. Par exemple, vous lui dites "blanc", il répond "noir", afin que vous fassiez vous-mêmes le pas au-delà.
Pratique de l'essence, expérience de l'origine, le Zen dépasse l'espace-temps, il peut être un pivot de l'Evolution par sa simplicité et son caractère universel. Comme un torrent printanier réveille la prairie, il provoque une révolution intérieure, une mutation de l'être. Quand on n'évolue pas, on involue. Si l'on ne crée pas, on meurt. Si ta main droite est empêchée, utilise ta main gauche. S'éveiller, créer, intuitivement : chacun de nous fait la civilisation.
Le Zen est éducation silencieuse.
"Dans le silence sélève l'esprit immortel,
et sans parler la joie vient."

L'enseignement moderne donne la première place au discours mais souvent les mots n'expriment pas la véritable pensée ou l'attitude profonde. La parole est presque toujours incomplète. Lorsqu'elle trouve sa justesse, nous transmettons notre expérience "de mon coeur à ton coeur", (de mon esprit à ton esprit, "i shin den shin").
Le Zen atteint à la plus haute sagesse, à l'amour le plus profond. La sagesse est parfois froide, elle est le père sans la mère. La grande sagesse est fondamentalement retour à l'origine, vérité de l'univers, base de notre vie, au-delà des phénomènes.
Taisen Deshimaru,
"La pratique du Zen"